jeudi 21 juin 2012

Tarzan et l'île hors du temps : la recherche du temps perdu

C’est à une plongée dans les tréfonds obscurs du passé que je te convoque aujourd’hui, ami lecteur. Tel un Howard Carter des greniers oubliés, un explorateur de bibliothèques perdues dans des espaces-temps insondable, j’ai remis récemment la main sur un album enfoui sous la poussière dans les profondeurs de ma mémoire. Je veux parler de L’île hors du temps, au titre… prédestiné. Il s’agit d’un album de Tarzan dessiné par Russ Manning (1929-1981). Avec un nom pareil, personnellement, j’aurais songé à une carrière dans l’industrie pornographique. Mais non, Russ Manning s’est destiné au monde merveilleux de la bande dessinée et a construit une bonne partie de sa carrière sur le personnage de Tarzan qu’il a dessiné pendant de longues années, collaborant aux strips quotidiens ou hebdomadaires des journaux américains, aux comic books mensuels et dessinant deux albums spécialement destinés au marché européen : The Land That Time Forgot et The Pool of Time en 1974 et 1975.

© 1974 Edgar Rice Burroughs Inc.

Paru en français en 1974, L’île hors du temps a été publié par les obscures Éditions Williams. Sans être un grand fanatique du travail de Manning sur Tarzan, que je trouve un peu trop classique à mon goût, force est de constater que L’île hors du temps tient du joyau. La trame de l’histoire est sans surprise : Tarzan est engagé par un jeune gandin pour retrouver sa fiancée, disparue sur une île isolée au large de l’Amérique du Sud. Mais là où le récit est susceptible d’éveiller l’intérêt de n’importe quel gamin normalement constitué, c’est que cette île isolée est vraiment très isolée, et ce depuis fort, fort longtemps. Si longtemps que l’évolution n’y a pas suivi son cours normal : dinosaures et autres créatures des âges farouches y folâtrent toujours en liberté, tandis qu’une peuplade de néandertaliens y affronte un autre peuple plus évolué. Dinosaures + peuplades exotiques s’écharpant gaiement + poupée superbement carrossée = la recette d’une série B d’aventure acidulée et vivifiante propre à faire rêver le jeune lecteur préadolescent que j’étais.

Net et précis, le dessin de Russ Manning s’y déploie avec une vigueur extraordinaire, qui, selon moi, ne se retrouve pas forcément dans ses autres travaux sur Tarzan, plus policés et convenus. Son Tarzan y est fin et athlétique, sans doute pour l’opposer à la sauvagerie du monde perdu. Les couleurs y sont gentiment pop, somme toute très seventies. Mais le clou de l’album est le personnage de Lya Billings, la riche héritière perdue dans cette île préhistorique. Une pseudo Jane Fonda tout droit sortie de l’An de Grâce 1974, cavalant dans la jungle vêtue de peaux de bêtes, traquée par des hommes de Néandertal prompt à manier la hache de silex et à discuter ensuite, le tout sans que sa permanente ne bouge d’un cheveu (sauf cette mèche sur le visage, oh sexy, so sexy !)… Voilà une figure qui marque, et qui, accessoirement, à valu des nuits enfiévrées à votre serviteur.

Ami lecteur, si tu es sensible à la poésie d’un passé désuet, si les couvertures criardes d’Opar la cité de sang ou Tarzan et l’étrange citadelle font naître en toi de délicieux frissons, si tu te laisses toujours émerveiller par la maladresse naïve d’un dinosaure Starlux, si tu entends encore la petite voix qui te serine le lancinant appel de la jungle, mets le cap sans plus tarder sur cette île hors du temps.

Longue vie au Triangle !

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