lundi 21 janvier 2013

Inner City Blues : Blaxploitation power


Back in the days ! Plein gaz sur les Seventies, les quartiers noirs et les truands blacks qui veulent s’en mettre plein les poches en n’hésitant pas à faire parler la poudre. « Get rich or die tryin », comme dirait l’autre… En trois petits albums aux couvertures colorées, récemment republiés par Vents d’Ouest en intégrale, Inner City Blues propulse avec virtuosité le bédéphile dans l’univers du cinéma Blaxploitation. Respect !

© Vents d’Ouest, 2003

Co-scénarisé par Brüno et Fatima Ammari-B, dessiné par ce même Brüno, Inner City Blues nous plonge en septembre 1972, à Inner City, métropole située quelques part aux États-Unis. Suivant un scénario très scorsesien, nous suivons l’ascension puis la chute de plusieurs personnages dont les destins s’entrecroisent : Arnold et Willie (ha ha ha : un grand maigre et un gros, deux hommes de main devenus tueurs à gage), Priest (un caïd fraîchement sorti de prison et déterminé à se remettre en selle) et Yaphet Kotto (un ponte bien installé dont les affaires périclitent). L’une des originalités de cette série est que la même histoire est racontée durant trois tomes, avec trois points de vue différents, en s’approchant à chaque fois un peu plus du dénouement final. Par touches, les auteurs créent un patchwork dans lequel chaque situation trouve son explication ou est précisée dans un autre album. Ainsi, un deal de drogue entre Priest et Yaphet Kotto est raconté sous deux points de vue : dans le premier tome, le lecteur suit Arnold et Willie qui assistent à la scène de loin, sans entendre ce qui se dit ; dans le second, l’action est vue du point de vue de Priest. Évidemment, il vaut mieux lire les 3 tomes, d’où l’intérêt de cette intégrale. Pigé, ami lecteur ? Par ailleurs, les auteurs se permettent d'étonnantes digressions qui, sans nuire à la dynamique du récit, renforcent singulièrement l’ambiance : ici, une planche développe les goûts musicaux d’Arnold, là deux ou trois cases offrent un zoom sur quelques photos de boxe encadrées au mur d’un bistro pour monter la connivence entre deux truands et le patron, là encore, des planches entières sont dévolues aux spectacles topless de sculpturales et époustouflantes beautés noires qui dansent au Mother Ike’s, LE club d’Inner City.

© Vents d’Ouest, 2004

Décidément, Brüno frappe fort. J’ai déjà dit tout le bien que je pensais de Lorna, son hommage sympathiquement foutraque aux séries B horrifiques, érotiques ou SF (lire la chronique de Lorna). Manifestement, ce garçon se fait plaisir à dessiner ce qui lui plaît et cela est réjouissant à voir. Ici donc, il lorgne vers les films Blaxploitation, ce courant né au début des années 1970, visant à offrir au public afro-américain des films d’action avec de tonitruants héros blacks, faits (en principe) par des Blacks pour des Blacks, servis par des bandes-son soul ou funk de toute beauté. Coupe afro, blouson en skaï et jean patte d’éléphant ou costard pimp d’un violet du plus bel effet, les truands dessinés par Brunö semblent ainsi sortir de Shaft, Sweet Sweetback’s Baadassss Song et autres Coffy, la panthère noire de Harlem. En tendant l’oreille, on croirait entendre Isaac Hayes ou Gil Scott-Heron. D’ailleurs, en une citation déférente, le titre de la série reprend celui d’une chanson de Marvin Gaye.

© Vents d’Ouest, 2005

Avec son dessin singulier, à la fois clair et parfois presque géométrique, Brüno réalise 3 albums marquants. Trépidante et inventive, pleine de clins d’œil amusants et amusés, cette série B se lit et se relit avec délectation.

Longue vie au Triangle !

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